Interview_PODCAST_Matthieu_Colombel_BlackMeal - Mapping Motion

Interview de Matthieu Colombel, CEO du Studio Blackmeal




Salut les motions ! Pour bien commencer l’année, j’ai un très beau cadeau pour vous.
J’ai l’immense plaisir de partager avec vous un nouveau Podcast réalisé avec Matthieu Colombel, CEO du Studio Blackmeal.
Il est l’un des pionniers du motion design en France. À la fois conférencier et formateur, il fait partie des personnes qui participent à la reconnaissance du métier de motion designer, de son histoire et de sa culture.

Nous avons enregistré ce podcast dans les locaux Nantais de Blackmeal.

C’est véritablement un cours magistral d’1 h 20 sur le motion design, que Matthieu nous offre gracieusement.
Il nous explique sa définition du métier, ses origines et comment raconter des histoires efficacement ainsi que des conseils pour trouver sa place dans cette industrie. Il distille également tout au long du Podcast énormément de références pour parfaire notre culture graphique et d’animation. 

J’en profite pour le remercier à nouveau de nous avoir accordé de son temps.
C’est dans un but de transmission qu’il a accepté de réaliser cette interview, n’hésitez donc pas à la partager autour de vous. 

Je vous recommande chaudement l’écoute de ce podcast, mettez en pause votre Spotify et prenez votre dose de culture graphique

Peace and Keyframe !

L’interview de Matthieu Colombel sur la chaine Youtube





Voici un lien vers tous les épisodes du podcast Mapping Motion


Le showreel de Blackmeal



Peux-tu décrire ton parcours et présenter Blackmeal ?

Je m’appelle  Matthieu Colombel, j’ai 36 ans et suis père de 4 garçons.
Je suis fan de génériques de films, notamment les génériques de James Bond réalisés par Maurice Binder.
C’est grâce à ça que j’ai voulu devenir réalisateur de génériques de films. 

Puisqu’il n’existait pas de formation en motion design à l’époque, je me suis autoformé, j’ai été à la fac étudier le cinéma et la réalisation. Par la suite,  j’ai suivi une formation qui allait former les premiers motion designers réalisateurs.

Quand j’en suis sorti en 2005/2006, j’ai commencé à travailler en agence de publicité chez  tbwa-paris pour des marques qui se digitalisaient.
À cette époque sont arrivés YouTube et Facebook et on a commencé à avoir beaucoup de besoins en contenus animés sur le Web.
Au départ, seul, j’ai dû créer chez TBWA un pôle motion design qui a fini par contenir une vingtaine de personnes.


En 2011, j’ai finalement décidé de voler de mes propres ailes en créant Blackmeal avec trois collaborateurs que j’avais recrutés précédemment chez TBWA.
On a commencé alors sur Paris, puis en mars 2015, on s’est agrandis sur Nantes et maintenant on a rejoint le groupe SYD et on se développe à l’international notamment sur Montréal.


Peux-tu nous donner ta définition du motion design ?

Déjà, il faut casser le mythe et expliquer que le motion design est un vieux métier, environ 70 ans. Ensuite, à la base, le terme motion design vient de la contraction du terme “Motion Graphic Design”. Le design graphique a une définition très simple qui est la suivante : comment est-ce que l’on fait passer des idées et des messages par une représentation visuelle ?. 

Le motion design est donc une extension du design graphique. Soit, comment est-ce que l’on met tout ce graphisme en mouvement !
Les premiers motions designers étaient des designers graphiques en publicité comme Saul Bass ou Maurice Binder.

En gros, pour résumer, le motion design c’est faire des films de communication qui sont simples et compréhensibles par tous avec lesquels on va utiliser de la métaphore graphique. On arrive à raconter des histoires courtes avec des métaphores qui cherchent à faire passer des messages ou une idée.

Le motion design est indissociable du design graphique. Après, chaque motion designer a sa ou ses techniques pour faire passer le message.



Le motion design n’est-il pas lié également aux avancées technologiques ?

Oui, effectivement, même si on fait le même métier depuis 70 ans, les nouvelles technologies sont toujours attentivement suivies par les motion designers qui se servent d’elles pour rajouter des cordes à leur arc de techniques et raconter des histoires différemment. Je connais des motion designers qui suivent de très près la réalité virtuelle ou augmentée pour pouvoir faire du storytelling d’une nouvelle manière. 


Quelle est la différence entre le cinéma d’animation et le motion design ?

La première différence est la cible. En cinéma d’animation le but est de divertir alors qu’en motion design la cible est le consommateur, ce n’est pas forcément des gens qui achètent des produits mais des consommateurs d’information. 


La deuxième différence est la durée des films, quelques minutes maximum pour le motion design contre plusieurs heures pour le cinéma d‘animation.
L’attention d’un consommateur chute drastiquement après 1 mn 30 alors que celle du spectateur venu pour du divertissement dure plusieurs heures.

La troisième différence est la taille des équipes. Très souvent le motion designer travaille seul ou en petite équipe alors que pour un film d’animation on est sur des pipelines bien plus importantes.

En fait, c’est vraiment une logique très distincte.

Ci-dessous un article que j’ai précédemment écris sur le même sujet à propos de la différence entre film d’animation et Motion Design.


L’expertise de Blackmeal en storytelling n’étant plus à faire, est-ce qu’il arrive encore qu’une agence vienne vous voir avec un storyboard sous le bras pour vous demander de le réaliser ?

Oui, il y en a encore mais beaucoup moins. Chez Blackmeal 80 % de nos clients sont directement les annonceurs mais on garde encore 20 % d’agences. Ce sont les agences avec lesquelles on aime travailler et qui nous laissent une très grande liberté de création.

Dans tous les cas, on écrit toujours le script des vidéos.


Peux-tu nous parler un peu du processus de production chez Blackmeal, comment ça se passe ? Quelles sont les différentes étapes ?

Au niveau du processus de travail, très souvent quand un client fait appel à nous c’est qu’il a besoin d’améliorer sa communication. Pas seulement d’un point de vue graphique mais également d’un point de vue narratif. C’est souvent pour simplifier l’offre qu’il a ou la présentation de tel produit ou même l’histoire de sa marque.

Ça commence par la préproduction :

  • qui débute avec un script narratif : qu’est-ce que l’on raconte ? Avec la voix off par exemple,
  • ensuite un script d’animation : qu’est-ce qui va se passer à l’écran en fonction de la narration ?. 

Quand tu assembles les deux tu as le storyboard.

Ensuite on passe à la phase de production :

  • le design graphique, tout ce qui va être mis au propre à partir des cases de storyboard, 
  • l’animation.

Sur la phase de production on peut partir sur des techniques qui sont très variées.

Chez Blackmeal, on aime particulièrement utiliser l’animation 2D, l’animation 3D et le stopmotion comme technique. C’est un peu notre style et ce pourquoi les clients viennent nous voir.

On a un peu une prédominance des films pour enfants.

On termine par la postproduction : 

Le montage, le son, les exports et notamment les déclinaisons de supports.

D’ailleurs, on produit maintenant toutes nos vidéos en format carré 1920×1920 et on recadre dedans pour pouvoir faire des formats verticaux ou 16/9e.

Pour un film d’une minute c’est environ 5 semaines de travail.
Sachant que l’écriture des scripts et la préproduction durent à peu près 2 semaines, on prend vraiment le temps de bien faire cette étape.

Quels profils de personnes avez-vous à l’interne, qu’est-ce qui fait la base ou le noyau dur de Blackmeal ?

Ce qui fait le noyau dur de Blackmeal ce sont les 4-5 séniors qui ont 10 à 15 ans d’expérience. Ils transmettent aux juniors de l’équipe qui, par là même, progressent très vite. Je pense que tout motion designer qui a 4-5 années en motion design a envie de transmettre son savoir. 

Les personnes qui ont lu cet article ont aussi lu :  Entrevue avec Jordan Coelho (aka Oelhan)

L’idée c’est vraiment de faire grandir une équipe. 

On aime les gens débrouillards et motivés.


Lors de la création de Blackmeal vous étiez parmi les premiers en France dans le domaine et, en tant que pionniers, vous n’aviez donc pas de référence locale. Dans ce cas, de quel côté du globe regardiez- vous pour vous inspirer : Etats-Unis, UK ?

C’étaient les États-Unis, bien sûr, puisque le métier venait de là-bas.
Si tu veux, parmi les personnes influentes dans le domaine, ça provenait des États-Unis et  également d’Amérique du Sud à Buenos Aires avec des studios comme “2 Veinte” ou “Lumbre”. Encore une fois, c’était dû à la qualité de leur formation en design graphique. Les personnes les plus influentes venaient des meilleures écoles en design graphique de ces pays. 

Niveau compagnies, aux Etats-Unis il y avait Buck, Imaginary Force, Prologue, Elastic.

En Angleterre, tu avais également  I love Dust et Man versus Machine.


Peux-tu nous parler d’un ou plusieurs projets qui représentent le mieux l’esprit de Blackmeal ? 

Le premier qui me vient en tête est celui de Marvel. L’histoire est assez marrante. Il s’agit d’un projet interne à la compagnie. On voulait illustrer ce qu’on était en capacité de faire. L’idée était de montrer le plus de héros Marvel avec exclusivement une sphère.

Pour motiver l’équipe, j’avais écrit un faux brief de Canal+, je leur avais fait croire que c’était une vraie commande pour qu’ils se donnent corps et âmes. Bon, à la fin, j’ai dû leur dire que c’était un projet fictif mais on a été au bout du projet.
Au final, on a représenté 11 personnages Marvel en 35 secondes.
On a même été contactés par Disney Worldwide pour nous féliciter, malheureusement, ils ne pouvaient pas diffuser notre film puisque le contenu ne venait pas de chez eux. C’est leur politique.

Ce projet là est un exemple parfait de comment tu expliques et représentes des personnages simplement avec des métaphores. 

Le film a été fait image par image sur Photoshop, Thomas Lecomte, qui est dans nos bureaux à Paris, est un super dessinateur et ça a été le premier projet où il a pu pousser cette technique. 

Également, pour le sound design, on a travaillé avec Mooders qui est une compagnie avec laquelle on continue de travailler à l’heure actuelle.

Tout ce qu’on a découvert et appris avec ce projet nous sert encore aujourd’hui.


Justement, comment travaillez-vous le sound design sur vos vidéos ?

On respecte vraiment le travail de sound design et on fait appel à 4 prestataires, essentiellement sur le territoire Nantais. Les sound designers sont des profils avec qui l’on s’entend très bien car ce sont des bidouilleurs comme nous. Il n’y a pas un film qui sort de Blackmeal sans que l’on ait fait appel à un ingénieur du son.

C’est pour ça que l’on est souvent sur la tranche haute niveau facturation pour nos vidéos car on veut vraiment soigner cette étape.

On fait intervenir les sound designers dès la préproduction, après le story board durant la phase d’animatique et on les sollicite pour leur expertise et trouver des solutions.

Mon article sur l’importance de la création d’animatiques


Peux-tu nous parler de votre vidéo pour le Printemps du Cinéma ?

Il s’agit d’un projet réalisé en 2013. Il y avait des contraintes de budget et on a beaucoup triché ! Dans l’esprit du client, un film d’animation c’était forcément Pixar et ça coûtait une fortune. En réalité, il y a seulement quelques éléments en 3D et le reste du film est du matte painting. Là encore, en motion design on a le droit de tricher ! 

Je donne souvent comme exemple aux clients le making-of de notre réalisation pour Pandacraft, en collaboration avec Papier plié, qui permet de comprendre qu’un petit setup peut parfois suffire à faire une belle vidéo.

Pandacraft : L’offre de Noël, Le spot TV from Blackmeal on Vimeo.


Qu’est-ce qui caractérise une bonne histoire ?

Je peux donner quelques techniques pour répondre à ça. J’ai deux règles importantes à ce propos.

La première règle c’est de partir de mots clés :

Dans une histoire d’une minute, il y a 5-6 mots clés importants que tu dois faire absolument passer dans ton histoire et dans ta vidéo. Ce sont les première choses à placer, tout ton film se construira autour de ça. 

La deuxième règle est d’utiliser un langage qui est accessible par tous. Je dis ça car beaucoup de concepteurs-rédacteurs en publicité ont tendance à utiliser des termes qui vont créer de la distance, comme du franglais par exemple, qui font que ce n’est pas compréhensible par tout le monde. On fait toujours en sorte que nos films puissent être compris par des enfants, si c’est le cas ton histoire pourra être comprise par tout le monde.

La troisième, ton histoire doit pouvoir tenir sur une page. C’est un peu comme un pitch de startup. Il faut pouvoir résumer ton histoire sur une page. Tu intègres les 5-6 mots clés à ton script, en utilisant un vocabulaire compréhensible de tous et tu en écris une histoire. Ensuite, tu la lis à quelqu’un et tu vérifies que la personne ait bien tout compris.

Avec ces règles il n’y a pas de raison que ça ne marche pas. Après, c’est juste une histoire de style graphique et de technique ! 


Quelle est ta dernière claque cinématographique ? Par exemple pour moi, il s’agit du Spiderman multiverse. 

J’aurais cité exactement  la même chose. Ils ont laissé aux créatifs une liberté qui leur a permis de proposer des choses qui étaient complètement absurdes. 

Comme le changement de frame rate (nombre d’image par seconde) à 12 images seconde pour un film 3D c’est très perturbant au départ mais je trouve ça génial.
Il y a une multitude d’idées et de détails dans ce film qui donnent envie de le revoir.

Sinon, une autre claque que j’ai eue, c’est Klaus chez Netflix. Ça faisait très longtemps que je suivais le projet. À l’époque, il avait réalisé une simple bande-annonce du projet qui ne devait pas forcément aboutir à un film entier. Déjà à ce moment, je m’étais pris une claque sur la manière dont il avait travaillé la 2D laissant penser à une utilisation de la 3D.
Ce que je trouve fabuleux c’est la qualité de l’animation, le style graphique et l’histoire est vraiment attachante. C’est une leçon de cinéma, tout dans ce film est phénoménal.

Breakdown des techniques de rendu du film


Comment vois-tu l’évolution du motion design dans 10-15 ans ?

Ça dépend où tu te situes dans le Monde. Aux Etats-Unis, en Angleterre, ça va rester le même métier tout en suivant les avancées technologiques.
En France, par contre, il y a beaucoup de choses à faire pour faire reconnaître le métier.
Ce n’est pas le cas pour le moment, il y a des formations en école qui doivent changer de termes car sinon elles ne sont plus reconnues par l’Etat.
Il va falloir faire des thèses, des conférences, etc., pour faire reconnaître notre métier et qu’il ne soit  plus considéré comme de la postproduction.
Faire en sorte d’avoir une mesure du marché et aussi donner des clés pour aider les formations.


Quel conseil donnerais-tu à des motion designers débutants ?

Mon conseil serait de se former en design graphique. En suivant une école de design ou en lisant et se cultivant autour de tout ça !  En lisant des livres sur le sujet ou sur les graphistes référents dans l’Histoire. En gros, tout ce qui permet de se créer une vraie culture graphique et qu’on ne trouve pas en tutoriels sur le Web.



Ci-dessous tous les liens évoqués :

Blackmeal
Maurice Binder
tbwa-paris
Groupe Syd
We love your names
2 Veinte
Lumbre
Buck
Imaginary Force
Prologue
Elastic
I love Dust
Unit Image
Kandinsky
Mooders
Pandacraft
Making-of Pandacraft
Papier plié
Dan Perri

Voici des liens vers les précédent Podcast :

8 commentaires sur “Interview de Matthieu Colombel, CEO du Studio Blackmeal

    1. Merci pour le retour, ça fait plaisir et ça motive 🙂! Heureux que ça plaise. C’était vraiment un moment enrichissant que je voulais partager au plus grand nombre.

  1. Merci pour ce podcast ! Cela a été très enrichissant ! L’expérience des autres apportent énormément. Sur le sujet des tutos, on est d’accord que de faire la copie conforme cela n’a pas une grande utilité niveau graphique, mais, moi même adepte pour certains j’en retient qu’une essence celle de la technique. L’aspect graphique/style personnel doit se faire par nos propres yeux et non pas par ceux des autres, c’est notre ressenti qui doit transpirer dans nos œuvres.
    En tout cas merci.

  2. Merci beaucoup pour ton podcast, beaucoup d’idée à faire mûrir ! Prêt à suivre tête baisser l’idée de faire reconnaître le motion à l’échelle nationale, il est grand temps que les choses changent.
    Encore merci.

  3. Bonjour,
    Cette interview est vraiment super ! Et en français 🙂
    Après l’écoute de cet épisode, une question m’est revenue :
    Quelle part laissez-vous aux “gens du Marketing” dans un projet ? À quel point défendez-vous votre point de vue ? Je pense aux projets typo avec trop de mots, où en général, l’ajout de message qui desservent l’intérêt de la vidéo.
    Merci encore

    1. Bonjour Victor,

      Merci pour ton retour !
      Je vais répondre en mon nom pour cette question.
      J’essaie de toujours justifier mon point de vue à travers l’intérêt du projet et par la même l’intérêt du client.

      Pour reprendre ton exemple, je lui dirais que trop de texte va nuire à la lisibilité et la compréhension du film.
      Qu’il faut un temps de lecture pour le spectateur et que cela va rallonger la durée de la vidéo.
      Également, cela va avoir pour conséquence de faire perdre l’attention du spectateur.
      Dernier argument, plus de texte = vidéo plus longue = vidéo plus chère.
      En général, le dernier point marche bien 😉

      L’importance est de toujours penser à l’intérêt du projet et de son efficacité sur une audience ciblée.

      Jeremy

  4. Un véritable plaisir ce matin d’écouter ce Podcast et de découvrir Mathieu, sa vision du Motion, de l’art de raconter une histoire et tout ce qu’il à dire sur ce métier.
    Merci à Jeremy de partager avec autant de passion son métier !

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